Ce monde

20 novembre 2021

C’est une planète où les petits animaux sont épargnés par les plus grands. Autrefois les uns prédateurs, les autres parasites ou proies. Ils ont fini chacun par accepter de cohabiter avec l’autre, et de se sacrifier, de temps en temps, pour maintenir l’ensemble de l’écosystème, son espèce comme les autres espèces, sauver l’autre de périr : être proie, et mourir soi, être parasite mais pas au point de tuer son hôte ; puis réciproquement : le plus fort vieilli et se laisse dépecer, le parasite est accueilli sur une peau, dans une crinière. Je ne sais pas, on dirait que les prédateurs y gagnent encore, il faudrait creuser cette fiction si elle valait le coup — je ne pense pas.

En fait, je pense aux carnélias d’Amos Oz, ces fleurs qui ont goût de viande et font perdre leur comportement de prédateur aux carnassiers, les loups gardent les moutons, etc. Soudain dans la forêt profonde [1] est aussi un texte sur le harcèlement, les souffre-douleurs des cours d’école, un conte qui devrait être étudié dans toutes les Sixième, discuté, et mis à jour, disons, utiliser le conte pour aborder les questions qu’il laisse de côté (sexisme, homophobie, pour rester dans un harcèlement qu’on appelerait général, universel). Ce qui m’étonne toujours un peu, dans un livre intelligent, de trouver des points aveugles comme ça, mais après tout : avant de lire sur ces sujets, avant que la sociologie ne vienne à moi, moi non plus je ne voyais rien alors que je voyais le harcèlement non-spécifique, "générique". La forme du conte s’imposant à travers des répétitions, des déclinaisons, nombreuses, celles-ci auraient pu être plus facilement variées, sans peser, en restant comme tout le reste, flottant comme l’ombre au-dessus de la forêt. Mais voilà, 2005, c’était encore le XXé siècle, et oui, en le lisant, on peut comprendre ce qui n’y est pas, la preuve : j’en parle. Je parle tout seul, comme Almon le pêcheur. Bref, autant d’exercice d’écriture à proposer aux classes, à partir du livre, écrire un chapitre du conte qui adresse le sexisme ou l’homophobie dans la cour d’école.