Radical
jeudi 27 mars 2025
25 mars 2025
Aristote, dans la Constitution d’Athènes, chapitre 8, nous dit ce que fit Solon, législateur de la ville vers -593 :
Voyant aussi qu’au milieu des troubles qui divisaient la ville, nombre de citoyens, par indifférence, s’en remettaient au hasard, il porta contre eux cette loi singulière :
Quiconque, en temps de trouble, ne prendra pas les armes pour l’un des deux partis, sera frappé d’atimie [1] et exclu de la cité.
Radical, certes.
Faudrait-il promulguer la loi inverse aujourd’hui ? Restez en dehors, vivez sans prendre parti, car tout parti trahira votre nature, quel qu’il soit. Vivez et respirez vos désirs, détachez-vous de tout, glissez, coulez hors du monde. On ne peut sans doute pas conseiller cela, bien que ça paraisse reposant, dans un monde où la politique ne fait plus sens. C’est sans doute ça le plus grand obstacle, aujourd’hui, la comédie que c’est, le ridicule qui dirige, un ridicule qui peut tuer aussi bien que le sérieux. C’est donc probablement qu’il reste politique et qu’il faut s’y confronter ?
Ne prenez jamais les armes, mais participez, sans cesse, au dialogue citoyen.
Quel est cet éternel besoin d’avoir raison, d’exercer le pouvoir, de délimiter des frontières et des règles ? Sans règle, il n’y aurait pas cette Cité qui, depuis les débuts de la philosophie, nous est expliquée comme étant ce qui nous permet de ne pas vivre à l’état de nature, sous l’autorité de la loi du plus fort. Des règles de base, qui ont toujours dévié et conduit à poser aussi des règles pour contraindre et diviser, et favoriser quelques uns au détriment de beaucoup d’autres. Sans rediscussion permanente, inlassable, de ces règles, elles finissent par basculer, comme un poids sur un plateau fait pencher la balance. Il n’y aura jamais de repos politique. Le travail du Pouvoir autoritaire, quand il parvient à s’installer, consiste à détruire un des deux plateaux de la balance, pour qu’il n’y ait plus jamais d’équilibre possible. Réduire les budgets publics de santé, de recherche, d’éducation, de culture, de planning familial, de programmes de diversité, augmenter les règles coercitives sur l’immigration, modifier les cartes électorales, instiller la peur, effacer les possibles... La décence minimale de souhaiter le débat est désormais jugé comme une radicale menace à un free speech, et passible ici de coup de matraque, ailleurs de prison. Bien sûr, pourquoi débattre ? Il n’y a plus que détruire et construire aussitôt.
Musique : In ár gCroíthe go deo, Fontaines D.C., live Tiny Desk pour NPR, 17 mai 2022.
Photo : Tombe d’Alphonse Baudin, mort sur une barricade du Faubourg Saint-Antoine, le 3 décembre 1851, en réaction au coup d’état de la veille, perpétré par Louis Napoléon Bonaparte. Sculpture d’Aimé Millet.
[1] Privation totale ou partielle des droits civiques
Messages
1. Radical, 27 mars, 07:59, par brigitte celerier
salubre rappel
et pardon si je vous lis (pas toujours et je le regrette) en silence d’ordinaire
1. Radical, 27 mars, 10:03, par JS
merci Brigitte, je vous sais là, je le sais !